Déclaration de grossesse (*) de Dlle Françoise VINOCHE

Me. Fils marié a Sr Pittion

Par devant Le notaire royal de jujurieux soussigné

Ce jourdhuy vingt sept janvier mil sept cent soixante huit

Avan midy on comparu Delle Françoise Vinoche fille –

Mineure de feu Seur jean baptiste Vinoche et de vivante

Delle marianne Branche Bourgeoise demeurant au

Village de Cocieux paroisse dudit jujurieux laquelle

Après serment preté a Déclaré que Sr françois Pittion

Marchand demt audit Cocieux savoir fréquenté depuis

Plus d’une année En vue d’un legitime mariage qu’elle

Aurait lui de la repugnance a y consentir pour

La disproportion de leurs ages, led Sr Pittion ayant

Plus de cinquante ans que Cependant Celuy Cy proffitan

De la faiblesse deson age, et fais de flateuses promesses

L’aurait seduit Et porté a connoitre Charnellement

Lad Delle Vinoche il y a Environ huit mois, et ou depuis

Desorte qu’elle se trouve Enceinte des œuvres de Sr Pittion

Auquel Elle a annonce et fait annonce de sagrossesse

Avec invitation d’Executer ses promesses de mariage

Et de luy reparer pour son Execution son honneur

Promesses flateuses et trompeuses qu’il neveut remplir

Ce qui determine ladDelle Vinoche qui En avance de

sa grossesse d’en faire sa declaration ainsy qu’elle fait

qu’elle est enceinte des œuvres dudSr françois Pittion

Et nous En arequis acte que nous luy avons accordé

Pour luy servir et valoir Ce que de droit, ainsy dicté

Et declaré par lad. Delle francoise Vinoche dans sa maison

Audit Cocieux ou je me suis Expres Transporté pour ses

Requisitions Et a Elle lü Ensuite delaquelle Lecture Elle a

Declaré que le contenu En vu declaration Etait sinier

Et a declaré ne pouvoir signer Enquise et interpellée

 

Savarin

Nere royal

 

(*) Instituée par un édit d'Henri II daté de 1556 et confirmée par Louis XIV en 1708, la déclaration de grossesse vise à réduire les infanticides et les abandons de nouveaux-nés. Y sont soumises les filles non mariées et les veuves, un enfant hors-mariage étant généralement non désiré. Outre l'opprobre générale qu'attire sur soi une grossesse contractée hors des liens nuptiaux, l'arrivée d'un enfant sans père a des conséquences économiques pour la famille de la fille-mère : une bouche de plus à nourrir, et de grandes difficultés à trouver un gendre qui accepte de prendre à sa charge la fille fautive et son rejeton illégitime.

L'édit de 1556 part du constat que les juges sont bien souvent démunis face aux infanticides : même soumise à la "question" dans l'espoir que de la torture naisse la vérité, la mère coupable plaide que son enfant était mort-né et est trop souvent relaxée et libre de récidiver, au "très grand regret [du roi] et scandale de [ses] sujets". Henri II comble donc un vide juridique en instaurant l'obligation pour les filles-mères de déclarer leur grossesse, sous peine d'être condamnées à mort si l'enfant venait à décéder.

Toutefois, cet édit ne doit pas être vu que comme coercitif pour les jeunes femmes : il leur permet également de nommer le père, et leur ouvre ainsi la possibilité d'obtenir une compensation financière qui servira à élever l'enfant. Utiles aux généalogistes pour retrouver une filiation, les déclarations de grossesse révèlent des phénomènes sociaux répandus, mais qui sont généralement tus.